Direction la Tchétchénie

Nous connaissons trop peu les communautés musulmanes d’Europe, c’est pourquoi après être allées du côté de l’Indonésie et de la Mauritanie nous nous sommes intéressées à nos sœurs de Tchétchénie.

Difficile d’évoquer cette communauté sans parler de la situation géopolitique si particulière de la région. Malgré le court et imprécis résumé qui va suivre, nous tenterons par la suite de nous intéresser uniquement à nos sœurs musulmanes sans entrer dans des considérations politiques et/ou religieuses bien que cela soit difficile, leurs vies étant tellement influencées par ces nombreux conflits.

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Mosquée Akhmad Kadyrov – Tchétchénie

L’origine même du peuple tchétchène est soumise à controverse : les uns se disent descendants des arabes tandis que d’autres voient leur ascendance dans le peuple des gargares. L’islam fut introduit au VIIème siècle et son expansion prit fin au XVIIIème siècle. Le soufisme est le courant majoritaire : deux confréries soufies sont représentées, la Naqshbandiya et la Qadiriya. Elles sont formées selon une stricte structure hiérarchique, les adeptes étant rattachés à un maître spirituel. Alors que la Qadiriya recommande le dhikr sous la forme de hadra ou de ‘imara (célébration chantée et dansée), la Naqshbandiya pratique un dhikr intérieur (répétition silencieuse d’un mot ou d’une formule). En général, les adeptes de la Naqshbandiya sont pour la plupart des intellectuels alors que ceux de la Qadiriya appartiennent à la classe paysanne.

La domination russe a profondément influencé le caractère de ce peuple qui a, depuis des siècles, résisté férocement. Cette force provoqua même l’admiration au sein de la société russe. Pour le peuple tchétchène, la résistance est perçue comme une valeur primordiale, mais aussi comme une nécessité face aux envahisseurs. Après la création de la république de Tchétchénie en 1991 de nombreux conflits ont éclaté et nous retiendrons uniquement qu’ils ont causés la mort de dizaines de milliers de personnes.

Eprises de liberté et du respect de leur honneur.

Lorsque l’on cherche à en savoir plus sur les femmes tchétchènes, la plupart des articles présentent deux visions opposées et réductrices.

La première est celle de pauvres femmes faibles et malheureuses tyrannisées par les hommes de leur entourage. D’un autre côté, on ne parle que des « veuves noires » (nom donné aux femmes commettant des attentats suicides) qui se réclameraient de la lignée des amazones, redoutables guerrières de l’Antiquité qui ne rencontraient les hommes qu’une fois par an tandis que le reste du temps elles vivaient à part. Elles gardaient les bébés de sexe féminin et les élevaient en guerrières, tandis que les garçons étaient déposés à la frontière du territoire des Gargaréens.

Le sacrifice collectif qui s’est déroulé pendant la guerre du Caucase est servi comme modèle aux femmes tchétchènes. En 1819, le prospère village de Dadi-Yurt fut pilonné puis incendié par l’artillerie russe. Les hommes furent tués, et 46 jeunes femmes capturées. Lors de la traversée du fleuve Terek, les femmes enlevées se précipitèrent dans les flots entrainant leurs ravisseurs dans la mort afin de préserver leur honneur et venger les massacres.

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Musulmanes tchétchènes priant dans la mosquée Akhmad Kadyrov – Photo de Diana Markosian

C’est bien ce devoir de vengeance qui nourrit la résistance tchétchène. La résistance est codifiée et les traditions très présentes. L’une d’elles veut que les femmes ne soient jamais exclues du combat. Il y a d’ailleurs des mots pour désigner ces guerrières : les malkh-azni, qui décochaient la première flèche, à cheval, puis signifiaient la fin du combat en enlevant leur foulard blanc ; ou encore les mekhkari, qui combattaient vêtues comme des hommes et ne se mariaient qu’après avoir accompli un acte de bravoure, célébré par un rite spécial sur la « montagne des femmes ».

Ces récits, bien qu’inspirant le respect ne doivent pas nous faire tomber dans l’angélisme ni sous estimer les souffrances endurées par ces femmes, car au delà de ces deux visions, nous ne devons pas oublier que les exactions commises durant les conflits en font les premières victimes.

« C’est la femme qui fait de l’homme un homme ».

Ce proverbe tchétchène illustre bien la place essentielle de la femme dans cette société.

Elles sont en premier lieu les gardiennes du foyer. Dans les temps anciens cette métaphore avait un sens direct: les femmes avaient pour mission de veiller à ce que le fourneau soit en permanence allumé pour pouvoir préparer le repas. Désormais, cette expression a un sens figuré, mais elle conserve un sens très profond. Aujourd’hui encore pour les Tchétchènes, l’une des plus terribles malédictions est celle-ci: « Que le feu s’éteigne dans ton foyer! ».

Les femmes ont toujours eu un rôle particulier bien qu’aujourd’hui, encore une fois à cause de l’instabilité du pays, de trop nombreux actes cruels sont commis à leur encontre. Enlèvements, viols, crimes d’honneur, humiliations, comme dans toute société profondément malade, sont encore trop courants. Il faut cependant trouver un juste milieu et se montrer prudent face aux faits rapportés, car les nier serait injuste mais en faire une généralité comme le font trop souvent les médias occidentaux l’est également.

Après mes recherches pour cet article, nos sœurs tchétchènes restent pour moi une énigme : perdues entre leur Histoire torturée, les récits qui leur sont dédiés, les nombreuses traditions sociales et religieuses, elles semblent inaccessibles. Pourtant on ressent leur rôle prépondérant et l’on devine qu’elles sont les piliers du pays.

Si je ne dois retenir qu’une seule chose, ce sera que ces femmes, mères, épouses et filles ont une dignité et un courage dans les épreuves qui force le respect et l’admiration. Encore une preuve, si besoin était, du bien inestimable que sont les Femmes, en tout temps et en tout lieu.

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