Pour la quasi totalité des métiers existants, il y a une formation par laquelle il faut communément passer. Durant 3, 5 ou 10 ans pour les plus téméraires, l’institution compétente s’attellera à nous instruire quant aux généralités et subtilités de la discipline choisie. Pourtant, lorsqu’il s’agit de choses fondamentales comme l’amour, la vie de couple et ses composantes, l’éducation d’un enfant, l’édification d’un noyau familial solide ou encore la recette de l’eau en poudre, c’est presque le désert absolu. Que dire lorsque cette ignorance concerne le sujet touché par le tabou presque sacré, la « hchouma interplanétaire » qu’est la sexualité ?
Sommaire
Tabou
Pour toutes ces choses, nous devons nous débrouiller avec le modèle parental, lui-même hérité de la génération précédente. Autant dire qu’on va galérer sec.
C’est ainsi que de nombreux couples sont jetés dans la fosse aux frustrations, incompréhensions, blessures du cœur… On bricole avec une connaissance superficielle de la personne qui partage nos nuits. Les portes se ferment les unes après les autres… Des bruits courent : certains frères cherchent une deuxième épouse car sexuellement, ça ne va pas avec la première. On mettra ça sur le dos de la Sunna. Mais en réalité, il s’agit sans doute d’un défaut de fabrication ? Partons en quête d’un autre modèle akhy !
Impossible de concevoir qu’on manque de connaissances, que peut-être on a mal fait une chose ou l’autre ? C’est l’autre qui porte la tare, qui ne sait pas, qui est inexpérimenté(e).
Et comme il n’y a que peu voire aucune communication intime ni communication tout court, le problème ne sera jamais amené à trouver une solution adaptée. J’appelle cela « le vortex du tabou maghrébin » : des tabous en masse, une incompétence flagrante, des problèmes émergent, le tabou les étouffe et ils gangrènent tout le reste. Ça fait rêver…
Que s’est-il donc passé
aux pays des cornes de gazelle ?
Tellement de choses qu’il m’est difficile de savoir par quoi commencer. Débutons par les bases.
L’intimité est cette chose que l’on préserve pour une assemblée VIP. Un lien établi avec cet autre qui a goûté notre confiance, partagé nos pensées, rêves et projets. Enfin ça, c’était avant. De nos jours, il semble n’être d’espace VIP que la tombe, instagram étant difficile d’accès à cet endroit. Pour tout le reste, il y a un cliché de mise. Même chez ceux qui portent l’Islam, le virus semble faire chaque jour plus de victimes. Le dernier meuble Ikea acquis, les mains ornées d’alliances mises en vitrine sur la toile, le ventre arrondi par la vie portée, le diner préparé pour « zawji hihi ». Ceci pourrait être expliqué par le contexte influent dans lequel nous évoluons. L’obsession quasi pathologique qu’a la culture occidentale pour le dévoilement de tout ce qu’elle cachait hier, la sexualité en particulier. Jusqu’à vouloir étendre sa portée au berceau. Monsieur l’Occident, que vous arrive-t-il ?
La sexualité fait pourtant partie de la vie. Elle a sa place dans l’ordre humain. Une place qui participe à l’équilibre et l’harmonie de la vie sur terre. Elle est au début du cycle de vie lui-même. Cause organique de la présence du nouveau né, ce dernier passe par ce qui fut autrefois le sceau du plaisir. Il se nourrira à la source de bien des fantasmes.
Pourquoi donc autant de tabous ?
Peut-être car elle a été rendue sacrée sans preuve divine, porteuse de malédictions diverses, prétexte au déshonneur. Peut-être est-ce la cause du poids de fausse pudeur que l’on fait porter aux femmes de ma communauté. Prends garde aux hommes, efface-toi, ne connais pas ton corps, cache cette disgrâce, évite toute mise en valeur même quand ton droit prône, ne provoque pas, n’attise pas le désir, s’il t’a violée c’est que tu l’as incité, s’il a abusé de toi quand tu n’avais rien d’une femme c’est également parce que tu portes toutes les tentations, fitna !
Comment concevoir tout plaisir avec ce genre de mise en appétit ? Comment ne pas appréhender l’addition ? Comment oser prétendre l’islam pour justifier les aberrations humaines ? Comment vouloir connaître son corps ? Comment aboutir à une sexualité conjugale épanouie ?
L’islam tranche de manière claire. Il élève la femme quand on s’obstine à l’avilir. Allah promet une récompense à chaque acte intime. Ce plaisir terrestre se devrait d’être vu et vécu comme un trésor, une oasis de bien-être et de cadeaux mutuels chaque fois réitérés. La sexualité est une ni’ma d’Allah quand elle prend place dans le cadre qui lui a été attribué par Lui, qu’elle est nourrie par ce qui lui sied.
Votre chronique
Pour tous ces paradoxes entre les sphères humaines, communautaires, sociétales et religieuses, une chronique mensuelle voit le jour avec ce premier billet. Une fois par mois, nous partirons de vos difficultés, questionnements, tabous pour aborder ce qui permettra un mieux-être mental, physique et inter relationnel. Nous tâcherons de (re)découvrir certaines bases, ingrédients indispensables pour ensuite tout doucement s’atteler à décortiquer des sujets plus complexes. Ceci, dans une atmosphère et un ton respectueux de la pudeur islamique de mise.
En attendant, vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante afin de me faire part de vos souhaits : el-yousra@elhikma.be
Rendez-vous donc dans un mois, bi idniLlâh !
Intimement vôtre,
Saadia, formée au conseil conjugal et familial. www.onewaytoihsan.com
Salam Alaykom ma soeur,
Barak Allahou fiki pour ce « combat », cette ouverture, cette percée… Si difficile… J’ai tenté aussi, et échoué… Mais ta prose devrait ouvrir des coeurs. Keep going on…
Ouhibbouki filleh.
Ping : Nouvelle chronique : Intimité & co. | One way to ihsân.
wa ‘aleyki salâm wa rahmatuLlâh !
Merci dear Salwa pour ce soutien constant, je t’aime fiLlâh too <3
Salam ce n’est pas un problème propre au maghrébins, mais universel , surtout en France il y a carrément des associations qui s’occupent de ce genre de problème ….
Assalamû aleykûm wa rahmatullah Saadia,
hâte de lire tes écrits de qualité et pertinents sur ce sujet, mais par contre je pense plutôt que le tabou ne concerne pas la trop la relation horizontale qu’est le couple, pour moi c’est surtout un tabou dans la relation verticale parents-enfants chez les maghrébins et co.. tu ne trouves pas ?
enfin je ne comprends pas comment il peut y avoir un tabou dans un couple, alors qu’ils ont des enfants et donc par logique se connaissent de manière intime ? c’est plus un tabou qu’on aurait avec les personnes qui devraient nous expliquer la sexualité en islam (parents? frères et soeurs?)
Salam aleykoum, je suis ravie de la mise en place de cette chronique. Il est vrai que bien souvent pour les jeunes marié(e)s c’est compliqué. Personnellement, en tant que jeune mariée j’ai quelques difficultés encore a ce niveau là. Bon pour toit ce qui est de la nudité je pense que c’est normal. D’abord au niveau de la douleur. Cette douleur qui refroidit et qui fait qu’on n’a pas forcément envie de remettre la partie. Et aussi au niveau du « jeu de la séduction ». Pas forcément mal a l’aise avec la nudité mais mal a l’aise en sous-vêtements sexy. Paradoxal? Je ne sais pas.
Je pense aussi que ces difficultés sont dues au fait du tabou relatif a la sexualité. On n’en parle pas avec ses enfants. Alors les enfants en parlent entre eux, a l’école avec les ami(e)s et peuvent se faire alors de mauvaises idées.
Avant le mariage le sexe c’est sale, c’est tabou etc et après le mariage on s’attend à ce que tout roule, naturellement. Alors que c’est au sein du foyer qu’il faudrait pouvoir en parler. J’espère que si un jour j’ai des enfants, mon mari et moi seront capable d’en parler avec eux au moment voulu.
Enfin !
Un sujet très important qui impacte sur toutes les sphères de l’être humain.
Un sujet abordé donnant des informations de manière claire et précise.
Le ton est donné.
J’attends la suite inchaAllah.
Barakallahofik Saadia, je connais ton blog et je sais que cette rubrique sera bénéfique aux lectrices inchaAllah.
Salam aliki
Très bonne idée de rubrique car le sujet est tabou c’est vrai.
Première idée à mon avis c’est de parler su couple qui se marie. Comment gérer cela, que faut il savoir, faire ou éviter de faire. Comment gérer la nuit de noces. Comment distinguer pudeur et tabou?
Je pense que ça aiderait beaucoup de monde…
Salam!
Très beau texte, je vous félicite.
Brakallahou fik. Très bon article qui nous montre l’importance de briser ce tabou.