Par Siham TOUIL
Durant les bombardements israéliens intensifs en novembre 2012, j’appelais tous les soirs Amir Hassan, un ami habitant la Bande de Gaza. En recueillant son témoignage, cela me permettait de transmettre ses paroles sur mon blog.
Les morts, les blessés, les destructions, les missiles, les coupures d’électricité, les files d’attente devant les boulangeries… La barbarie d’un côté, la passivité de l’autre ! Depuis Paris, en écoutant Amir à Gaza, j’avais le son mais je n’avais pas les images qu’il voulait me décrire. Aucune télévision française n’était là pour transmettre cette vérité. Tandis que derrière Amir, je continuais à entendre les sirènes hurlantes des ambulances se rendant à l’hôpital Al Shifa… A cet instant, imaginer était la seule chose à faire.
En novembre, je savais déjà que je participerais à la mission Bienvenue en Palestine qui devait se rendre dans la Bande de Gaza du 27 décembre au 1er janvier. Avec mon mari, nous avions fait ce choix bien plus tôt déjà, avant cet acharnement de Tsahal. A la fin de l’année, nous n’allions donc pas être en famille pour les vacances mais transformer nos congés en voyage utile, militant, journalistique, politique tout en ayant dans nos bagages des médicaments et autres dons pour les Palestiniens… J’étais impatiente d’aller en Palestine, de tenter pour la première fois de me rendre dans la Bande de Gaza par le terminal de Rafah dans le Sinaï, en Egypte.
Alors lorsque notre groupe de près de 100 personnes, comprenant majoritairement des Français et une dizaine d’Egyptiens, a pu poser le pied en Palestine, l’émotion a été très grande. Nous avions réussi à rentrer dans la Bande de Gaza, sous blocus israélien. Un territoire ayant la plus forte densité de population au monde avec des F16 menaçant de bombarder à tout instant. Une partie du monde où se soigner est très difficile. L’hôpital Al Shifa n’a pas assez de lit en temps de « crise » et doit faire avec les coupures d’électricité qui viennent fréquemment stopper les machines utilisées pour les patients dont les cas sont les plus critiques. Sans parler des médicaments qui manquent. Plus loin, les ruines des locaux du Ministère de l’Intérieur et du Service des Affaires Civiles sont encore présentes près d’habitations, à deux pas d’une mosquée. Le Stade de Palestine a aussi été attaqué. Bombarder ce qui représente le football lorsqu’Israël, l’agresseur, compte recevoir le Championnat Européen de Football des Espoirs en juin prochain… Triste réalité passée sous silence.
Au cours de ces jours en Palestine, nous avons pu constater la situation des pêcheurs qui sont réduits à ne pas dépasser les 6 miles en partant de la côte. La marine israélienne n’hésite pas à leur tirer dessus, à confisquer le matériel de travail… L’un des pêcheurs rencontrés continue à aller en mer malgré une amputation de la main suite à un tir israélien sur son bateau. Quant aux agriculteurs, victimes de la « zone tampon », ils sont privés d’une zone fertile et ne peuvent pas en approcher sous menace de se faire tirer dessus par Tsahal qui se trouve de l’autre côté, en Israël.
Dans le domaine éducatif, les effectifs étant tellement importants, l’école primaire que nous avons visitée reçoit les garçons le matin et les filles l’après-midi. En somme, toutes les composantes de la société palestinienne sont affectées par le blocus. Même l’eau est volée aux Palestiniens ! Et dans le ciel, ce sont des ballons blancs, des caméras qui surveillent tous les faits et gestes.
De ce voyage en Palestine, je retiendrai une chose, les Palestiniens ne s’arrêtent pas de vivre. Malgré la mort, la vie continue. Ils construisent ce que Tsahal détruit. Ils parviennent à contourner le blocus grâce aux tunnels à Rafah, qui permettent de faire rentrer des biens de consommation depuis l’Egypte. Par ailleurs, au cours de ces cinq jours sur place, nous avons vu près de cinq mariages. Voilà une preuve que les Palestiniens ne se lamentent pas mais avancent. De Rafah à Beit Lahyia, de Gaza, à Deir El Balah en passant par à Beit Hanoun… Avant de découvrir tous ces lieux, je m’attendais au désastre et je suis tombée sur une région renaissant sans cesse de ses cendres. Une Palestine résistante !
A ce qui parait, aujourd’hui je suis « blacklistée » parce que je suis allée en Palestine… C’est ce que m’ont dit certains de mes proches. Mais si c’est le prix à payer afin d’utiliser mon droit de voyager en tant que citoyenne française et citoyenne du monde, si c’est le montant dont je dois m’acquitter pour montrer que je ne peux pas me rendre en Palestine comme bon me semble, en raison de ce blocus connu par les dirigeants au pouvoir qui ne réagissent pas, alors j’accepte de régler la note… A présent, à nous de réussir à créer des ponts entre ici et là bas pour sortir les Palestiniens de cet enfermement imposé.
Les Palestiniens l’ont dit eux-mêmes « Aidez nous à parler de notre souffrance au reste du monde. »
Siham TOUIL est rédactrice indépendante et raconte son séjour en Palestine dans la rubrique « Une Plume dans la Bande de Gaza » sur son blog www.alencredemaplume.com
Les témoignages d’Amir Hassan sont à retrouver dans la rubrique « Encre Palestinienne » sur ce même blog.
Je dois bien avouer que ce superbe article m’a serrer le coeur, à l’idée de penser a ces hommes et ses femmes opprimés par Tsahal. Une pensée pour eux et pour tous les autres peuples dans le monde qui souffrent et ne peuvent vivre librement.
Qu’Allah puisse leur accorder un avenir plus doux et paisible. Amin.
Un petit mot pour Siham, félicitations pour ce récit. Les mots sont parfaitement choisis et les photos nous permettent (à nous qui ne sommes pas encore aller en Palestine) de réaliser ce qui se passe réellement la bas.
Merci
Merci Pauline pour ton petit mot. Tu sais, ces photos ne sont que des bribes. Il y en a tellement d’autres encore. Et ces quatre-cinq jours sur place ont été très forts en images justement. Des images marquantes !
Au plaisir de te relire 🙂